Conférence de Jacques Dandois
20 et 21 mars 2014
Lycée Sainte Marie Cholet

Jacques Dandois fut tout d’abord professeur de français et d’histoire, chercheur auprès des universités de Mons et de Louvain, puis a dirigé l’Institut Saint Joseph de Charleroi, un établissement privé à la fois général et professionnel (orienté en particulier vers les formations hôtelières).

Depuis une vingtaine d’années, Jacques Dandois est le président de l’UCAPE (Union pour la Culture et l’Avenir Professionnel en Europe) une OING reconnue par le Conseil de l’Europe avec statut participatif. A ce titre, Jacques Dandois a siégé au Conseil de l’Europe au sein de la conférence des OING.

L’UCAPE est une OING à laquelle adhérent des établissements scolaires européens (voire internationaux à partir des partenariats noués par les établissements européens). Elle délivre chaque année les Diplômes européens de Compétence (DEC).


Les deux textes suivants ont été publiés dans le bulletin de l’UCAPE.


L’EUROPE, UNE REALITE VECUE DANS LES CLASSES

L'ouverture vers l’Europe et le monde est inéluctable.

Les jeunes y baignent en voyageant de plus en plus et leur vie professionnelle se construira sur cette réalité. En même temps, c'est un énorme appel d'air dans la conception de nos fonctionnements scolaires. L’Europe des peuples est difficile à construire mais nous avons décidé de nous y atteler car toute marche a un premier pas.

Les écoles membres de l'UCAPE ont franchi le cap parce qu'elles ont compris l'essentiel : l'Europe bouscule nos habitudes, ouvre des brèches dans nos certitudes et apporte des envies d'innovation, en bref, une dynamique nouvelle...

Nous sommes, dans tous nos pays, habitués à des réformes avec leur cortège de décisions institutionnelles. Ici, il s'agit de se laisser interpeller par une réalité qui est notre quotidien.

Dieu soit loué, il n'y a pas de modèle pédagogique européen mais au contraire une multitude de manières défaire, d'aborder les apprentissages, de considérer nos relations entre nous; tout cela s'enrichit d'un partage, voire d'une confrontation.

Il serait particulièrement heureux que nous montrions dans ces pages, comment les partenaires ont pu amener les écoles à innover, à s'associer dans des projets communs, à orienter des cours d'une année scolaire vers une thématique abordée avec d'autres Européens, à donner du sens à l'apprentissage des langues, à partager des outils didactiques construits à travers des regards diversifiés et parfois contradictoires.

Jacques DANDOIS
Président
Bulletin Ucape Scolaire n°17, mai 2000




REFLEXIONS SUR L'IDENTITE
ou comment I’UCAPE peut contribuer à désamorcer d'éventuels conflits !

L'identité est depuis quelques années un concept à la mode.

Du sport à la publicité en passant par la gastronomie, on le rencontre partout, sans oublier les inévitables crises d'identité !

Pendant longtemps, l'identité nationale fut une préoccupation récurrente dans les médias ou les discours politiques. « Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ».

Cette phrase écrite par Péguy pour exalter le patriotisme des jeunes Français avant la guerre de 1914 avait pour but de préparer au combat contre l'ennemi « héréditaire » qui, à l'époque, était l'Allemand. Quelques siècles avant, c'était l’Anglais qu'il fallait « bouter hors de France ».

De se battre ensemble pour une même cause rapproche les citoyens d'un même pays : en 1914, Flamands et Wallons étaient unis, à l'Yser, contre l'ennemi commun et les Bretons comme les Picards ou les Gascons ont combattu pour la France, leur patrie.

Dans les Etats récents ou encore en gestation, le nationalisme, corollaire politique de l'identité, est porté par une très lourde charge émotionnelle : un Irlandais, un Québécois, un Palestinien sont des patriotes engagés parfois au risque de leur vie pour la cause de leur nation.

Au contraire, dans la plupart des pays occidentaux, le nationalisme, est apparu porteur de connotations négatives. Le concept d'identité a semblé plus neutre. Gardons-nous de diaboliser les mots ! Au contraire, essayons de rester sereins : le sentiment identitaire est en fait comme beaucoup de choses dans la vie : un peu est utile, beaucoup comporte des risques de graves dérives. C'est comme le stress : à petite dose, il est maîtrisé et aide au dépassement de soi, sinon il domine et déstabilise donc devient dangereux. Il ne faut pas perdre son identité: voyez comment la Russie d'aujourd'hui est déstabilisée faute notamment d'une conscience identitaire prégnante. Par contre, les Flamands, les Catalans, les Écossais ou les Slovènes qui ont une claire vision de leur destin se portent assez bien ! Une forte capacité d'auto identification pousse un peuple à l'autonomie ou à l'indépendance et même au renforcement de soi. Il nous faut donc être attentifs à la naissance de ces identités collectives nouvelles sur notre continent et les reconnaître avant que cela ne dégénère pendant des décennies comme en Irlande ou au pays basque, par exemple : en permettant à chaque groupe de vivre normalement son identité, on évitera les risques d'un nationalisme agressif qui, en ce 21e siècle, fera peut-être bien des dégâts en Europe.

Les Balkans, de manière tragique, ou l’Autriche, de manière insidieuse, sont hélas peut-être les premiers exemples d'une longue liste : en ce sens, la Belgique, passée en 40 ans d'un état unitaire à un état fédéral avec des régions et des communautés largement autonomes, est sans doute un exemple de ce qui peut être fait, parfois dans la douleur, toujours dans la difficulté, mais jamais dans le sang.

Notre monde déboussolé qui aboutit à créer une masse de consommateurs interchangeables par la langue, les mœurs et la culture uniformisés sur un vaste territoire, n'aboutira qu'à favoriser et à servir les marchés des multinationales.

Gardons donc une identité forte mais sans tomber dans le fanatisme identitaire, nihiliste ou religieux. Les extrémistes de l'identité ont plutôt le vent en poupe et il faut craindre qu'ils ne soient à l'origine de conflits régionaux à venir.

L’UCAPE, par son action, agit dans un but exactement inverse. Nos rencontres, nos échanges vont dans le sens de la compréhension de l'autre, de notre intérêt pour sa différence que nous reconnaissons volontiers tout en préservant la nôtre. J'ai le sentiment que nous luttons, par notre travail quotidien, contre les Ayatollahs : ce que nous faisons est à la fois une protection et une valorisation de nos patrimoines respectifs. Notre colloque d'octobre en est une belle illustration.

Jacques DANDOIS
Président
Bulletin Ucape Scolaire n°18, septembre 2000